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Télétravail et bien-être: pas toujours les meilleurs amis

08 juin 2021 - Source : BLOGUE

 

Les parcs ont été pris d'assaut par les Montréalaises et Montréalais tout au long de la pandémie, offrant une soupape pour plusieurs. Selon Pre Geneviève Boisjoly, leur accès doit être assuré par des modes de déplacement actifs par souci d'équité, sans égards à l'âge ou au niveau de revenus des gens (Photo: Catherine Lacroix-Couture).

Le télétravail, source de bien-être? Pas nécessairement, s’il faut en croire les résultats de deux sondages menés cette année par des chercheurs de Polytechnique Montréal et leurs collègues de l’Université McGill. Car les interactions sociales et les déplacements pèsent aussi dans la balance lorsqu’il est question de qualité de vie.

La fin du couvre-feu le 28 mai dernier a révélé une fois de plus tout l’amour que les Montréalaises et Montréalais portent à leurs espaces verts. Que ce soit dans les parcs Lafontaine, Jarry ou Laurier, des milliers de bedeaux se sont rués sur les derniers bouts de gazon encore libres pour se réunir et marquer la fin d’un long hiver.

Le phénomène n’avait rien de très nouveau, me direz-vous. Et vous avez raison, comme on a pu le constater par exemple ici et ici.

L’interdiction des rassemblements intérieurs a propulsé les petits et grands parcs au sommet de la liste des destinations privilégiées par plusieurs d’entre nous pour rencontrer parents et amis.  Une alternative aux écrans qui ont un peu plus encombré nos activités. Une façon d’entretenir sa santé mentale aussi.

Coups de sonde en pleine pandémie


Geneviève Boisjoly et Owen Waygood (Photo : Caroline Perron)

Voilà d’ailleurs l’un des constats qu’ont faits Owen Waygood et Geneviève Boisjoly, professeurs au Département de génies civil, géologique et mines de Polytechnique Montréal, en analysant les données d’un premier sondage portant sur les changements d’habitudes de vie des Canadiennes et Canadiens avec la pandémie. Un sondage mené au cœur de la première vague en mai 2020 auprès de 881 individus.

« Ce qu’on a entre autres remarqué, c’est que les participants qui ont effectué des déplacements fréquents vers les parcs, la nature ou les plans d’eau montraient aussi un sentiment de bien-être plus élevé que les autres », explique Pre Boisjoly.

Au-delà de cette observation, le sondage mené en collaboration avec un groupe de l’Université McGill a surtout permis de quantifier l’impact des mesures sanitaires sur les habitudes de déplacement, la vie sociale et l’indice de bien-être des individus. Un indice désigné par le terme de « satisfaction de vie » par les chercheurs.

« Le premier constat a été plutôt simple à identifier », indique d’emblée Pr Waygood. « De façon globale, la satisfaction de vie de la plupart des gens a chuté au début de la pandémie. »

L’indice de « satisfaction de vie » des individus sondés est ainsi passé de 70,1% avant la pandémie à 40,7% en mai 2020.

Rien de surprenant, me direz-vous. Mais attendez la suite. Les chercheurs ont fait parler un peu plus leurs données.

« On a remarqué que la diminution de la « satisfaction de vie » vient avec des interactions sociales qualifiées « d’insatisfaisantes » par les participants », confie Pr Waygood.

Si elles nous ont permis de garder un contact avec l’extérieur au cours de la pandémie, les rencontres virtuelles n’ont pas su apporter le même sentiment de bien-être que les rencontres en personne selon les résultats des deux sondages. (Crédit : Chris Montgomery, Unsplash)

En d’autres mots - et je simplifie exagérément ici - les personnes qui se sont ennuyées de leurs proches, amis et collègues de travail en mai 2020 étaient également plus tristes. Bien qu’il s’agisse là d’une corrélation, il pourrait tout de même y avoir un lien entre les deux observations étant donné l’importance des interactions sociales pour la santé mentale des humains, comme démontré par le passé.

Même les écrans, si utiles au télétravail, n’ont pu contrer cette glissade du bien-être. Chez ceux qui ont eu recours à la visioconférence et aux autres outils de télécommunication pour leurs activités professionnelles et personnelles, l’indice se situait à 38,2%.

« Cette donnée suggère que les rencontres virtuelles ne remplacent pas celles que l’on peut faire en personne lorsqu’on considère seulement le bien-être des individus », affirme Pr Waygood.

 

Mobilité et bien-être intimement liés

Pr Waygood a présenté à les résultats du premier sondage en octobre 2020 à la conférence virtuelle de l’International Professional Association for Transport & Health (IPATH). (YouTube)

D’accord pour l’importance des interactions sociales, mais qu’en est-il de l’impact des déplacements eux-mêmes sur la satisfaction de vie? Pour obtenir la réponse, les chercheurs ont mené un nouveau sondage à l’automne 2020, au coeur de la deuxième vague.

Cette enquête, dont les résultats ont été dévoilés en janvier dernier au Transportation Research Board 2021 Annual Meeting, a notamment permis d’identifier les types de déplacement qui ont le plus manqué aux participants.

En tête de liste? Les sorties faites pour voir des amis ou manger au restaurant. Rien de trop surprenant donc, mais la suite du portrait étonne avec plus de 60% des répondants qui ont affirmé s’ennuyer « un peu » ou « beaucoup » d’avoir à se déplacer pour le travail.

Ce qui amène cette réflexion du chercheur. « Ce qui est possible n’est pas nécessairement souhaitable », dit-il. « Les outils technologiques ont agi comme « béquille » pour permettre aux gens de conserver un minimum d’interactions personnelles et professionnelles durant la pandémie, mais nos résultats suggèrent qu’ils n’ont pas contribué au bien-être, et que pour plusieurs, un retour à des échanges loin de l’écran est souhaité. »

Des données... POUR MIEUX DÉVELOPPER LES VILLES


(Photo : Ignacio Brosa, Unsplash)

En braquant leur projecteur sur les impacts du confinement et du télétravail sur la qualité de vie des individus, Pr Waygood et Boisjoly ont récolté une nouvelle série de données sur nos habitudes de déplacement qui contribuera au développement de nos villes en fonction du bien-être de ses citoyens.

« Notre objectif, c’est de développer les quartiers en misant sur l’accessibilité locale pour briser les iniquités » explique Pr Boisjoly.

La chercheuse donne en exemple le cas d’une famille qui loge dans un petit logement situé dans un quartier densément peuplé et qui n’a pas accès à une cour arrière.

« Pour ces personnes, l’accès à un parc est essentiel. », dit-elle. « Il faut non seulement s’assurer de sa présence, mais aussi faire en sorte qu’il soit accessible par des moyens de transport actifs. »

 

En savoir plus

Fiche d’expertise d’Owen Waygood
Fiche d’expertise de Geneviève Boisjoly
Présentation vidéo d’Owen Waygood à l’International Professional Association for Transport & Health (IPATH) en octobre 2020 
Présentation des résultats du second sondage
 

 

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