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Apprendre à innover dans les rouages de Netflix

Par Catherine Florès
19 novembre 2024 - Source : Magazine Poly  | VersionPDFdisponible (Automne 2024)
19 novembre 2024 - Source : Magazine Poly
VersionPDFdisponible (Automne 2024)

Pour Jean-Sébastien Jeannotte, regarder Netflix n’est pas synonyme de pause-détente. Et pour cause : depuis bientôt 12 ans, ce titulaire d’un baccalauréat en génie informatique de Polytechnique Montréal (Po 2003) veille à ce que vos séries préférées démarrent sans accroc sur la plateforme de diffusion en continu. Un défi de taille quand on sait que le géant du divertissement compte aujourd'hui 282 millions d'abonnés à travers le monde.
 

Jean-Sébastien Jeannotte, un diplômé chez Nerflix
 

L’étudiant qui murmurait à l'oreille des ordinateurs

La vocation de Jean-Sébastien Jeannotte commence comme celle de nombreux passionnés d'informatique : en dépannant les ordinateurs de son entourage. « D’abord ceux de ma famille, puis ceux des parents de mes amis quand je suis entré à Polytechnique », se souvient-il. De fil en aiguille, l’étudiant élargit son réseau, apprend les bases de données sur le tas, et surfe sur la vague naissante de l'infonuagique. « C'est en forgeant qu'on devient forgeron, résume-t-il simplement, ou dans mon cas, c'est en codant qu'on devient développeur. » Cette expertise en infonuagique lui a valu d’être recruté par Netflix.

Une culture d’entreprise qui casse les codes

Chez Netflix, pas de hiérarchie pesante ni de bureaucratie paralysante. Liberté et responsabilité : voilà la vision qui guide l'entreprise. Elle tranche avec les cultures d'entreprise traditionnelles.
Prenez les congés. Pas de compteur, pas de formulaire à remplir, pas d'autorisation à demander. « On part quand on en ressent le besoin, en informant nos collègues par un calendrier partagé et en s’assurant de leur donner suffisamment d’informations pour qu’ils puissent continuer les projets durant son absence », explique M. Jeannotte. Cette confiance accordée aux employés correspond à sa vision du travail. « Quand on est passionné par ce qu'on fait, on sait gérer sa liberté. »

L'horizontalité de la structure reflète cette même approche. Jusqu'à récemment, la section d'ingénierie ne connaissait qu'un seul niveau hiérarchique. « Devenir gestionnaire n'était pas une promotion, mais un changement de responsabilités », précise M. Jeannotte. Si l'entreprise a récemment introduit des échelons – du niveau 3 pour les nouveaux diplômés au niveau 7 pour les ingénieurs principaux –, c'est avant tout pour clarifier les trajectoires de carrière.

Récemment nommé « ingénieur logiciel Staff (E6) », Jean-Sébastien Jeannotte a le poste d’« ingénieur logiciel principal (E7) » en ligne de mire. « Les projets des ingénieurs de niveaux 6 et 7 traversent les sections et impactent toute l'ingénierie de Netflix, explique-t-il. Pour les mener, on doit agir en capitaine informé : analyser les idées proposées, accepter les risques calculés, et trancher. »

L'innovation par l'expérimentation continue

Comment s'assure-t-on que 282 millions de personnes puissent regarder leur contenu sans interruption? Par l'expérimentation permanente. « À chaque instant, un grand nombre de tests comparatifs sont en cours, révèle M. Jeannotte. Chaque image, chaque fonctionnalité de la plateforme est testée sur des groupes d'utilisateurs avant d'être déployée à grande échelle. »

Cette approche empirique s'accompagne d'une responsabilisation totale : chaque ingénieur suit son produit de A à Z. « On est imputable de ce qu'on livre », souligne M. Jeannotte. Une philosophie qui résonne avec ce qu'il a appris à Polytechnique : développer sa pensée critique pour atteindre ses objectifs.

Derrière l'apparente virtualité de la diffusion en continu, se cachent des défis très concrets. « L'infonuagique a ses limites. Il faut réserver l'espace sur les serveurs Amazon à l'avance, jongler entre le stockage dans le nuage et les autres solutions. » Une complexité qui n'effraie pas cet ingénieur rompu aux défis techniques.

Le futur selon Jean-Sébastien Jeannotte

Quand on lui demande sa vision de l'avenir, l'ingénieur évoque sans surprise l'intelligence artificielle. « Elle me rend déjà beaucoup plus productif, rédigeant la moitié de mon code, et elle améliore la qualité de mes rapports et autres rédactions », confie-t-il. Mais il reste lucide sur les défis à venir, notamment réglementaires, citant l'exemple de la Californie qui a rendu l’hypertrucage (deepfake) illégal.

Côté infrastructures, il imagine déjà les serveurs dans l'espace, libérés des contraintes terrestres.

De ses années chez Netflix, Jean-Sébastien Jeannotte retient avant tout une leçon : « Innover, c'est marcher en direction d'une vision, chaque pas est un déploiement. »

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