
Le Magazine de Polytechnique Montréal
Portée par le vent du changement
Vue d’ailleurs
Isabelle Bélanger, Po 96, n’est pas femme à reculer devant les grands défis. Partir s’installer en Allemagne avant de maîtriser l’allemand, se bâtir une expertise recherchée dans la commercialisation et l’exploitation des énergies renouvelables en Europe, puis prendre en charge le développement de la filiale allemande d’un producteur indépendant d’énergies renouvelables… : dans sa vie personnelle autant que dans sa vie professionnelle, cette diplômée en génie mécanique sait pressentir le changement et prendre les devants pour en tirer parti.

À la conquête du marché énergétique allemand
L’année 2021 s’avère particulièrement intense pour Isabelle Bélanger. Engagée depuis peu par ZE Energy, elle mène le déploiement sur le marché allemand des activités de ce jeune groupe énergétique européen originaire de France. Celui-ci développe, finance, construit et gère le fonctionnement de centrales hybrides combinant photovoltaïque et stockage avec des batteries. Il en commercialise également l’énergie produite.
« L’Allemagne a renoncé à la production d’énergie nucléaire, les dernières centrales devant fermer au cours des prochaines années, et fait des énergies renouvelables sa priorité. Pour l’instant, elle a encore recours aux centrales au gaz et au charbon, mais uniquement pour assurer une transition. La plupart de ces centrales devront être remplacées par des centrales d’énergie propre. Le pays, qui a des besoins énergétiques élevés, notamment en raison de ses nombreuses industries manufacturières, représente donc un marché extrêmement prometteur pour ZE Energy », explique cette Munichoise d’adoption.
« Un des grands enjeux des énergies solaires ou éoliennes, c’est d’être par nature intermittentes. Mais en équipant les centrales d’une batterie permettant de stocker l’énergie produite dans la journée, nous sommes en mesure d’optimiser le raccordement de centrales photovoltaïques aux réseaux électriques en stockant l’électricité et en la fournissant au moment des pics de consommation, et selon les besoins des industriels. Les batteries permettent aussi d’offrir des solutions pour stabiliser le réseau », poursuit Mme Bélanger.
Genèse d’une expatriation
Mais comment cette Québécoise, à l’origine spécialisée dans les systèmes d’usinage à grande vitesse, a-t-elle développé son expertise du marché énergétique allemand et européen? « Après mon baccalauréat, j’ai commencé à travailler comme chargée de projet au sein de Prototech, un centre de prototypage rapide abrité à Polytechnique et qui travaillait avec des PME mais aussi des grands noms de l’industrie aéronautique. À la suite de changements chez Prototech, j’ai décidé à cette époque d’achever à Vancouver ma maîtrise sur l’usinage grande vitesse démarrée à Polytechnique.
« Dès l’obtention de ma maîtrise en 2004, j’ai travaillé chez Deloitte en tant que gestionnaire, puis gestionnaire séniore. Je travaillais sur des dossiers de crédits d’impôts pour la recherche et développement, auprès de clients manufacturiers. Au bout de quatre ans, j’avais envie d’autres horizons, et surtout, de me consacrer à des projets plus axés sur l’ingénierie et le développement durable. Le secteur des énergies renouvelables m’intéressait énormément. Mon conjoint, un ingénieur allemand, manifestait le désir de retourner dans son pays et moi-même, j’étais attirée par l’Europe. Comme l’Allemagne était un leader dans les énergies vertes, le moment nous a paru propice. »
Se réinventer loin de chez soi
Nouveau départ pour le couple d’ingénieurs à Munich, donc, où Isabelle Bélanger comptait rapidement trouver un emploi où elle pourrait parler anglais. Mais elle n’a pas eu le choix d’étudier intensivement l’allemand. Toutefois, c’est sa connaissance du français qui s’est avérée un atout au moment de son embauche dans la division Énergies renouvelables de E.ON, une des plus grandes entreprises dans le secteur énergétique européen. « E.ON avait acheté des actifs en France et comme c’est souvent le cas dans de telles circonstances, il y avait des tensions entre les équipes françaises et allemandes. Comme j’étais perçue comme neutre car Québécoise, j’étais plus facilement acceptée. »
Pendant trois années, Mme Bélanger fut responsable de l’exploitation des parcs éoliens français, mettant à profit son solide bagage technique. « Quand je visite un parc éolien, j’éprouve la même sensation grisante de maîtrise du vent que lorsque que je fais de la voile! », confie-t-elle.
À la suite d’une restructuration au sein du groupe E.ON, elle a repris la responsabilité du portefeuille éolien allemand, ce qui a nécessité une relocation avec sa famille à Potsam, dans l’est de l’Allemagne. « Il règne dans l’ex-Allemagne de l’Est une mentalité plutôt conservatrice qui ne nous correspondait pas. Après deux ans, nous étions heureux de revenir à Munich. Cela dit, même ici, je suis parfois confrontée à des valeurs différentes de celles du Québec, en particulier le jugement contre les mères qui travaillent », témoigne cette mère de deux enfants.
Perspectives emballantes
Après des emplois de gestionnaire dans deux firmes de gestion de fonds munichoises, Isabelle Bélanger avait entrepris des démarches en début d’année 2021 pour s’établir comme consultante indépendante en énergies renouvelables. Mais repérée par un chasseur de têtes, elle a été amenée à rejoindre ZE Energy, qui proposait un poste en droite ligne avec ses objectifs de carrière. « Aujourd’hui, je dirige le développement de la filiale allemande. Nous recherchons activement des projets et travaillons avec notre équipe de Paris au design des nouveaux parcs solaires comprenant le stockage. C’est en effet une plateforme complète de gestion de l’énergie durable que ZE Energy veut établir ici. Je me sens chanceuse car la complexité des technologies mises en œuvre dans les projets mobilise pleinement mes compétences commerciales et techniques. Avec mon background d’ingénieure, je sais parler le même langage que nos fournisseurs et clients », déclare-t-elle.
Également installée en sol italien, ZE Energy se prépare aussi à pénétrer le marché espagnol et éventuellement le Royaume-Uni. « Mettre à la disposition des Européens une énergie à zéro émission, à un tarif très compétitif en plus, est une perspective qui m’enthousiasme », conclut Mme Bélanger.